London Fox a eu le plaisir de recevoir Julien Rouselle, Analyste en fusions - acquisitions chez Fenchurch Advisory Partners.
Diplômé de l’ESSEC, Julien s’oriente en finance d’entreprise et réalise un premier stage de 6 mois en Leverage Finance chez Natixis, puis un second stage de 6 mois en M&A à la Société Générale. Parallèlement il obtient un Summer Internship chez Barclays en ECM (Equity Capital Market).
En 2018, Julien reçoit une offre pour un Summer chez Goldman Sachs qui débouche sur une offre en tant qu’Analyste M&A FIG (programme Graduate). Depuis plus d’un an, Julien a rejoint Fenchurch Advisory Partners, une boutique M&A FIG à Londres.
1) Bonjour Julien, peux-tu nous dire en quoi consiste le M&A ?
Bonjour ! Le M&A (fusions-acquisitons) est un service de conseil financier pour de grandes entreprises. Le but est d’aider un client à réaliser une opération de fusion, d’acquisition ou de cession d’une partie de ses actifs. Pour ce faire, les banquiers d’affaires en M&A sont amenés à travailler avec des personnes qui ont un niveau de décision élevé, en général l’équipe de direction et les actionnaires. Ils doivent donc apporter un conseil à des personnes qui connaissent extrêmement bien leur métier et leur apporter un conseil à forte valeur ajoutée.
En général, le dirigeant connaît parfaitement son entreprise mais a besoin de connaître l’état et l’évolution de son marché (et donc de ses concurrents). Tout le travail du banquier d’affaires en M&A est d’avoir des yeux et des oreilles partout. Le rôle du banquier est aussi de préserver un anonymat strict pour préserver les informations confiées par son client.
Il y a deux parties très importantes dans le travail d’un banquier en M&A : le conseil et l’exécution d’une transaction. Le M&A, ce n’est pas seulement du conseil financier, c’est aussi la mise en exécution de ce conseil. Il faut donc une certaine capacité à gérer un projet, à exécuter une transaction et à accompagner son client jusqu’à la signature du contrat. Le but est de nouer une relation durable avec le client pour l’accompagner lors de ses prochaines transactions.
2) Quels sont les différents secteurs ? Certains sont-ils plus aimés que d’autres ?
L’activité n’est pas toujours scindée en secteurs, cela est propre à chaque ville (équipes sectorielles plus fréquentes à Londres étant donné la possibilité de créer des « pôles » sectoriels multilingues).
Les secteurs principaux sont TMT (Télécommunications, Média et Technologies), Energies et ressources naturelles (Energy, Mining & Utilities), industries (Industrials & Chemicals), produits de grande consommation (Consumer & Retail), santé (Helathcare), institution financières (Financial Institutions Group ou FIG) et immobilier (Real Estate).
Certains secteurs sont plus à la mode que d’autres. Par exemple, FIG a la réputation d’être un secteur où il y a beaucoup de travail et qui est très technique donc, en général, il n’attire pas les étudiants en sortie d’école. A l’inverse, des secteurs comme TMT, qui vont couvrir des entreprises technologiques comme Facebook, Instagram, WhatsApp etc, attirent beaucoup plus. Ce sont de grosses capitalisations qui font des acquisitions assez régulièrement afin de se doter de nouvelles technologies, de bases de clients ou afin de s’implanter dans de nouveaux pays.
Enfin, le M&A, c’est structurel. Depuis 2007, les taux d’intérêt sont très bas ce qui fait que les banques gagnent assez peu d’argent sur leurs activités de prêteurs et ont donc besoin de se diversifier. La seule façon pour ces dernières de continuer à indiquer des chiffres en hausse, c’est de développer leurs activités de conseil et leurs capacités à générer des deals.
3) Peux-tu nous parler de la vie d’un mandat buy side ?
Qu’est-ce qu’un mandat buy-side ?
Deux manières de voir les choses :
Soit le client vient directement voir le banquier (souvent parce qu’il le connaît). Cependant, pour la plupart des deals, c’est au banquier d’aller voir le client et de le convaincre de travailler avec lui en lui présentant par exemple un dossier avec toutes les analyses déjà faites.
Une fois l’idée pitchée, et que le client semble réceptif, le process débute alors. Il faut commencer par faire signer un accord de confidentialité à tout le monde : un NDA (Non Disclosure Agreement).
Le montant des flux futurs de cette acquisition est alors à estimer ainsi que les synergies qui pourront être faites afin de valoriser l’actif sur la base des informations présentes dans l’information mémorandum. L’information mémorandum est un document préliminaire de 50-100 pages environ qui reprend toutes les analyses sur l’entreprise et qui va être diffusé auprès de tous les acheteurs potentiels. Sur la base de la valeur préliminaire donnée par tous les acheteurs potentiels, le vendeur va en sélectionner quelques-uns (entre 2 et 5 en général) avec lesquels il va rentrer en discussions plus avancées. On pourrait penser que le vendeur va sélectionner les deux personnes qui ont donné la valeur la plus importante, mais ce n’est pas toujours le cas. Le vendeur garde bien souvent les acheteurs qui donnent la valeur la plus justifiée. Pour passer au second tour, l’acheteur doit donc faire une offre haute mais crédible, en s’appuyant sur l’expérience de son conseil financier.
Lorsque le vendeur a choisi les quelques acheteurs potentiels avec lesquels il souhaite poursuivre le processus, il va leur donner davantage de détails afin de leur permettre d’ajuster leur valorisation.
A la fin du processus, lorsqu’il ne reste plus qu’un seul acheteur et que les deux parties sont d’accord sur le prix, elles vérifient la véracité de toutes les informations reçues. Si tout est conforme alors tout est signé par des avocats et la propriété de l’actif est transférée à l’acheteur.
4) Comment se passe ta journée-type ?
En M&A, ce sont de grosses opérations qui demandent beaucoup de travail, de vérifications et d’analyses. Par conséquent, une journée type n’existe pas. Tout dépend où l’analyste se situe dans le process. Il est possible de passer toute la journée à pitcher autrement dit à faire un document d’analyse sur la base d’informations publiques.
En début de process vient surtout l’analyse de documents qui se fait sur PowerPoint et sur Excel. Le PowerPoint correspond au support de présentation d’une idée à un client. Les chiffres ne sont là que pour appuyer le rationnel stratégique. Il ne faut pas avoir peur d’Excel, ce n’est rien d’autre que des additions, soustractions, divisions et multiplications. Ce qui est compliqué, c’est de déterminer quel pourcentage de prime il faut appliquer sur telle ou telle transaction et de savoir traiter le passage des bonus de telle banque à telle banque.
En fin de process, il s’agit plus de négociations avec les documents juridiques qui se fait en relation avec les avocats, mais aussi d’aider son client à organiser des réunions avec le management pour poser des questions relatives à des problématiques fiscales, opérationnelles et de bilan.
Bien qu’une journée type ne puisse être définie, la charge de travail reste conséquente. Il est commun de commencer vers 9h et, en fonction des banques, de finir entre 23h et 4h du matin. Le week-end est rarement complètement disponible et il est parfois compliqué de prendre des vacances.
Il est aussi possible de se retrouver dans plusieurs process en même temps, ce qui oblige à prioriser toute la journée les objectifs de gestion de projet et de faire les analyses tôt le matin ou tard le soir
5) Peux-tu nous parler de ton expérience avec les Summers Internships ?
Un Summer correspond à un stage de pré-embauche d’une durée de 2 mois. Les recrutements sont très compétitifs et nécessitent une préparation spécifique. Les anglo-saxons ont un avantage non négligeable par rapport aux français puisqu’ils sont entraînés aux processus de recrutement dès leur première année de Bachelor. Ils suivent des cours spécifiquement dédiés à l’élaboration d’un CV et d’une LM qui correspondent parfaitement aux attentes des recruteurs. Ils participent également à des événements de networking avec des alumni etc.
Les banques recrutent des personnes de tous les horizons, sans expérience préalable en finance, en particulier pour les anglais. De plus, les anglais n’ont généralement pas d’expérience professionnelle lorsqu’ils postulent. Ainsi, les ressources humaines se focalisent davantage sur le fit que sur la technique pure, ce qui peut être déstabilisant pour un français habitué aux entretiens purement techniques. Les entretiens comportent également des brainteasers qui permettent d’évaluer si un candidat est capable de construire un raisonnement qui fait sens. Ces entretiens ont vocation à recruter des personnes qui sont en adéquation avec les valeurs et la culture de la banque.
Un Summer est comme un entretien de 2 mois, il faut tout le temps se montrer sous son meilleur jour et montrer une motivation sans faille, tout en étant en compétition avec d’autres profils tous aussi bons les uns que les autres. C’est aussi l’occasion d’apprendre de nouvelles choses sur le « networking » ou le travail en équipe.
6) As-tu des conseils pour bien préparer les entretiens ?
Faire du networking, du networking et du networking ! C’est sûrement l’une des choses à laquelle on n’est pas préparé en France mais qui est d’une importance capitale. Il ne faut absolument pas hésiter à contacter des gens. Il n’y a jamais rien à perdre à essayer d’établir un contact avec quelqu’un que vous ne connaissez pas.
Il ne faut pas voir le networking comme une sorte de népotique passe-droits, mais plutôt comme un moyen de glaner des informations sur un secteur sur lequel l’information n’est pas publique.
Le networking peut également permettre d’avoir accès à des offres de stages ou d’emploi avant leur publication officielle sur LinkedIn et autres sites carrière, et ainsi maximiser les chances d’être retenu. Ça donne donc un avantage stratégique et cela permet de créer son réseau.
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